Jean-Michel Djian | journaliste, auteur, rédacteur, réalisateur

Jean-Michel Djian : « Ceux qui exercent le pouvoir nous fascinent inconsciemment »

VIDÉO. Le documentariste, auteur de « Hollande, le mal-aimé », est aux manettes de Politikos, le premier festival international du film politique. Entretien.

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Par Olivier Pérou

 13/06/2018 à 10:30 | Le Point.fr


C’est un festival de cinéma, mais il n’est pas à Cannes. « Festival international du film politique, tel devait être son nom, mais son créateur – le journaliste et documentariste Jean-Michel Djian [De Gaulle, la fin d’un règneHollande, le mal-aimé] – a préféré « Politikos ». L’événement, dont Le Point est partenaire, se tiendra à Rennes du 1er au 4 novembre 2018 et des figures de la politique et du cinéma ont déjà confirmé leur présence : Mazarine PingeotFrançois HollandeJean-Louis Debré, Daniel Cohn-Bendit, Elio Di Rupo, mais aussi Jean-Pierre Darroussin, Denis Podalydès ou encore le scénariste de Baron noir, Éric Benzekri. L’occasion pour certains d’entre eux de se confier et de débattre sur les réalités de l’exercice du pouvoir, et la dramaturgie qui l’accompagne.


Le Point : Quelle est la bonne recette d’un documentaire politique ?

Jean-Michel Djian : Des idées, il y en a beaucoup, mais il faut une patte artistique. Avec sa série de documentaires sur Édouard Philippe, Laurent Cibien fait des choix cinématographiques. Il utilise certains plans de coupe et s’attache beaucoup à l’esthétique quand il filme le maire du Havre devenu Premier ministre. Il y a une certaine magie qui se dégage de son travail, comme il peut y en avoir dans un bon film, un bon livre, voire en écoutant un bon CD. On doit aussi pouvoir retrouver une part de mystère dans les images que l’on choisit. Une peut valoir 1 000 mots, disait Confucius, et c’est encore plus vrai pour le documentaire politique. Quand je réalise Élysée, la solitude du pouvoir, je ne vais évidemment pas prendre les clichés que tout le monde a pu voir sur le général de Gaulle pendant les événements de Mai 1968. Je cherche ce qui peut nourrir la dramaturgie que je veux installer dans ce film. J’en ai trouvé une dans les caves de l’Agence France-Presse, que personne n’avait vue, pas même l’amiral Flohic qui était l’aide de camp du Général. On y voyait de Gaulle, affalé sur son fauteuil, en train de pique-niquer avec Ceausescu à Bucarest, alors que la France est en proie aux manifestations monstres. Mon film démarre sur ça, et l’on observe grâce aux courbes de mesure de l’audience que les gens ne décrochent pas de cette image.

Les gens se détournent de plus en plus de la politique, et pourtant les documentaires du genre n’ont jamais aussi bien fonctionné.

C’est une question qui reste, pour l’heure, sans réponse définitive. L’institution produit sans doute la défiance, mais l’énigme, ce qui fascine inconsciemment, réside chez ceux qui exercent le pouvoir. Ils passionnent les foules qui les détestent ensuite. C’est un phénomène psychopolitique très étrange, voire pathologique, qu’on appelle l’hybris. Un sentiment violent qui s’inspire des passions des campagnes politiques et de l’orgueil des individus. Le fondement de la tragédie grecque, c’est d’ailleurs l’hybris ! Notre méfiance vient notamment du fait que l’exercice du pouvoir casse le vivre ensemble aux yeux des citoyens, mais comprend-on vraiment ce qu’est la Realpolitik ? Quand on regarde BFM et les autres chaînes d’information en continu, on la vit brutalement, mais on n’a pas forcément le temps de l’analyser. Politikos, c’est l’occasion de faire une pause et de décrypter l’exercice du pouvoir et sa violence.

Justement, comment est né Politikos ?

Pour la première fois, nous allons réunir trois genres cinématographiques qui ne se parlent pas : le film, la série et le documentaire. Et pourtant, ils travaillent tous, parfois, sur le même terrain : la politique. Tout cela s’est construit avec Nathalie Sultan, l’ancienne conseillère culture de Manuel Valls à Matignon, aidée de beaucoup de bénévoles. Il y a aussi Dana Hastier et Clémence Coppey, les piliers de l’architecture du documentaire sur France Télévisions, et le producteur Jacques Hinstin. On partait de zéro, sans un centime pour monter ce festival, donc il a fallu mobiliser les pouvoirs publics. J’ai d’abord rencontré le président de région Loïg Chesnais-Girard, qui a été convaincu par le projet, puis les collectivités (ville, département, NDLR). Elles financent Politikos à hauteur de 450 000 euros. C’est une marque de confiance, je crois.

Aborderez-vous l’arrivée de ces nombreux députés inexpérimentés ? Subiront-ils, eux aussi, l’hybris ?

Nous célébrons cette année les soixante ans de la Ve République. Cet anniversaire se tient au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, l’un des plus gros bouleversements du paysage politique tel qu’on le connaissait depuis des années. Je crois qu’il est encore trop tôt pour analyser la façon dont le président exerce le pouvoir. Néanmoins, les députés apportent quelques éléments de réponse. Par exemple, nous allons projeter Mr Smith au Sénat, le film de Frank Capra. C’est l’histoire d’un idéaliste, enfiévré dès son arrivée au Congrès, où tous se moquent de lui. Qui est le Mister Smith de ce quinquennat ? Qui est le boy-scout inexpérimenté propulsé dans l’arène parlementaire ? C’est évidemment le député Cédric Villani. Je voulais qu’il débatte, après la diffusion du film, avec Jean-Louis Debré qui incarne, lui, l’ancien idéaliste à la longue carrière politique. Ils raconteront le choc de la Realpolitik. Nous projetterons aussi le célèbre film d’Alan Pakula sur le Watergate, Les Hommes du président. Ou comment deux journalistes parviennent à flinguer un président. Évidemment, cela nous fait penser aux deux enquêteurs du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Et qui mieux que Jean-Luc Hees, ancien patron de Radio France, mais surtout correspondant aux États-Unis pour France Inter à l’époque de l’affaire, pour débattre avec eux ?

Programme et billetterie sur le site www.politikos.film 

Jean-Vincent BANES – CEO Agence Culture Digitale 

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