“Concrètement, le marketing culturel, qu’est-ce que ça m’apporte?”
Cette question est souvent posée lorsque nous discutons avec des institutions culturelles. Une démarche de marketing culturel peut apporter beaucoup aux institutions qui la mettent en place. Mais en quoi consiste-t-elle et comment la mettre concrètement en œuvre?
En premier: qu’est-ce que le marketing?
Dans son essence, le marketing va consister à valoriser le point de vue du consommateur au sens large. C’est cette perspective consommateur qui va en grande partie guider les choix de l’entreprise ou de l’organisation. Le marketing recouvre donc la réflexion stratégique et les outils opérationnels qui visent à susciter des comportements favorables de la part des consommateurs, à court, moyen et/ou long terme.
Sur le long terme, la démarche marketing permet à l’organisation d’atteindre ses objectifs, de renforcer sa viabilité, d’abord et surtout en liant un lien fort avec ses consommateurs ou publics.
Et le marketing culturel?
Il s’agit du marketing adapté au secteur culturel. En effet, le secteur culturel s’appuie sur un paradigme tout-à-fait différent : ce n’est pas le « consommateur » qui fait le « produit ». Ce n’est pas le public qui fait la proposition artistique. Là où le marketing classique subordonne la conception du produit aux besoins et attentes des consommateurs, le marketing culturel casse – en général – ce lien et n’intervient pas sur la conception de l’offre artistique (le « produit »). Pour autant, la mission du marketing culturel est loin d’être accessoire : il ne s’agit pas moins que de créer et favoriser la rencontre entre l’offre culturelle et les publics.
Un terme péjoratif?
Malgré sa mission fondamentale pour l’offre culturelle, le marketing traîne (encore) une image négative. Il est considéré par certains comme un principe de gestion purement commercial voire manipulateur, qui ne viserait qu’à une chose: augmenter le chiffre d’affaires.
Avec cette réputation peu favorable, le milieu culturel approche encore le marketing culturel avec une certaine réserve. Quand nous rencontrons des institutions culturelles, celles-ci nous demandent, parfois dubitatives, quels avantages le marketing culturel pourrait bien leur apporter. Et, après discussion, la réaction est toujours la même: « ah oui, vu comme ça… ». En effet, si l’on prend le temps de s’accorder sur la signification du terme « marketing culturel » et de regarder – sans a priori – ce qu’il recouvre, les bénéfices de la démarche apparaissent clairement et se révèlent fondamentaux:
Mieux connaître ses publics (et ses non-publics)
Lorsque nous commençons à collaborer avec des institutions culturelles, nous essayons d’abord de déterminer qui sont leurs publics. Mais pour ce faire, il faut aussi déterminer qui ne vient pas. Qui vient? Qui ne vient pas? Et pour quelles raisons? Si la grande majorité des lieux possèdent déjà des éléments de réponses à ces questions, ces réponses sont le plus souvent parcellaires et superficielles. Pour que les réponses à ces questions soient fiables et vraiment utiles, on doit être représentatif des populations étudiées (#étude quantitative). Et on doit creuser pour comprendre l’aspect émotionnel (#étude qualitative).
Mieux connaître ses publics permet de savoir qui s’intéresse à l’institution. Et parfois, le groupe des personnes « intéressées » diffère du groupe auquel on a l’habitude de parler… Mieux connaître ses publics et non-publics, c’est aussi savoir comment on est perçu. Et là encore, la comparaison entre l’image effectivement perçue de l’institution et l’image voulue (l’image que l’institution entend se donner) réserve parfois bien des surprises…
Il apparaît alors clairement que ces informations sont indispensables pour piloter l’image de son institution. Et piloter son image, c’est réfléchir aux premiers messages qu’on envoie, c’est réfléchir à ce qu’on dit au monde et c’est essentiel.
Mieux savoir à qui l’on parle, c’est aussi mieux comprendre comment on peut améliorer l’expérience culturelle.
Amener à l’expérience marquante
Le facteur de succès décisif dans une démarche marketing (et quel que soit le secteur auquel elle s’applique)? Ce pourrait bien être la cohérence. Quand nous, visiteurs et visiteuses, entrons en contact avec une institution culturelle, c’est in fine pour vivre une expérience spéciale, qui nous tirent hors de notre quotidien.
Tout au long de la chaîne qui amène le visiteur potentiel à assister à la représentation ou à voir l’exposition, il s’agit donc de mettre en place des mesures et de dérouler un discours cohérent et propice à l’expérience visiteur. C’est une expérience réussie qui l’incitera à revenir et à se faire le porte-parole de l’institution dans son cercle social, créant ainsi un cercle vertueux. Le marketing culturel, en réfléchissant à cette chaîne de conversion et aux moyens pertinents à mettre en place, permet donc à l’institution culturelle de renforcer sa pérennité.
Développer une relation durable avec les publics
Pour une institution culturelle, il est primordial d’entretenir le contact. Ou, en des termes plus techniques et plus précis, de consolider sa notoriété et entretenir son image. Si entretenir le contact est vital pour les entreprises commerciales également, cela prend une dimension particulière pour les institutions culturelles. Car l’attachement au lieu culturel et à la sortie culturelle est fort, profond et très spécifique. La dimension sociale des sorties culturelles est fondamentale. La communication entre les publics/non-publics et l’institution culturelle est donc profonde, riche, intime. Les informations récoltées à travers l’effort de connaissance des publics et d’optimisation de l’expérience visiteur seront donc très utiles pour façonner une communication adéquate. Quel message délivrer? À qui? Comment? Où et quand? Bref, comment rendre la communication efficace et marquante?
Cette notion de relation avec les publics est d’autant plus importante aujourd’hui, avec la crise sanitaire. Les expériences in vivo, pourtant irremplaçables, sont limitées. Dès lors, il est nécessaire de trouver de nouvelles façons de communiquer, afin de garder ce lien avec les publics, notamment via les réseaux sociaux.
Une identité cohérente
Mais une relation durable avec les publics, donc une communication efficace, s’appuie avant tout sur la cohérence (encore une fois) entre les messages et l’institution : qui sommes-nous ? Quelle image voulons-nous communiquer ? Et c’est là qu’apparaît la pierre d’achoppement. Si les conditions sanitaires actuelles obligent à une communication différente (via les réseaux sociaux notamment) et mise en place rapidement, celle-ci ne peut passer outre l’obligation absolue de fidélité à ce que l’on est : quelles sont les mission, vision, valeurs de l’institution? Quelle est son identité? Même dans une image publiée sur Pinterest, même dans une courte vidéo sur Youtube (et peut-être surtout dans ce cas), la cohérence est de mise. Encore faut-il avoir fixé au préalable ce que nous sommes en tant qu’institution, comment on parle (les chartes éditoriale et graphique) et, surtout, les objectifs de communication.
Se distinguer parmi une offre culturelle pléthorique
Finissons avec l’avantage fondamental du marketing culturel, son point cardinal: la différenciation. Qu’est-ce qui me différencie d’offres approchantes? En quoi suis-je unique? Les sorties culturelles possibles sont abondantes (en temps normal…), et c’est plutôt heureux. Mais de ce fait, les gens, nécessairement, devront choisir. Il est donc important pour une institution de mettre en avant son unicité (son « USP »). Et cette unicité ne réside pas toujours dans le contenu artistique stricto sensu…
Le marketing culturel est donc un allié des institutions culturelles. En connaissant leurs (non-)publics, elles pourront offrir une expérience optimale, tout en entretenant avec eux une relation marquante et, surtout, pérenne. L’objectif final est bien de permettre aux institutions d’accroître leur fréquentation. Non pas sur une soirée seulement, mais sur le long terme. Et cette pérennité n’est envisageable que si la réflexion stratégique est complète.